27.5.06

27 avril (5) - Julio

Pendant la soirée à la Marquesina, j'ai eu l'occasion de voir le fameux Julio dont les autres m'ont tant parlé. Ils l'ont rencontré presque tous les soirs et plusieurs sont allés chez lui. Il leur a fait plein de cadeaux, dont des pesos avec le portrait du Che et une boîte de cigares qu'Éric a par la suite répartis entre nous. Moi je ne l'ai vu que ce soir, mais j'ai eu droit à de bonnes bises sur les joues.
Tout un personnage, ce Julio Guerra. Il s'est battu aux côtés du Che et il paraît que sur une certaine photo de ce dernier (qu'on trouve en carte postale), on voit le bras de Julio. Comme je l'ai raconté dans un autre message, il a participé à l'attaque où ils passaient d'une maison à l'autre autour de la place del Carmen, par des trous creusés dans les murs, et c'est là qu'il a rencontré sa future épouse.
Mais il a été pris et torturé par les soldats de Batista. Ils lui ont coupé les couilles, arraché les dents... Il n'a donc pas eu d'enfants. Sa femme est diabétique et doit rester au lit parce qu'elle est trop malade. Lui achète des bonbons et passe ses journées à les distribuer aux enfants. C'est Lisa-Marie qui est avec lui sur la dernière photo, prise par Éric.

Il est plus de minuit et je suis crevée, je veux vraiment rentrer. Je demande à Moïse de me dessiner un plan, il me dit que le trajet n'est pas compliqué, je suis une rue tout droit, mais ça peut prendre près de 40 minutes. Je me résigne à rentrer seule, mais ouf, plusieurs décident enfin de partir. On fait un bout à pied, puis on arrête une calèche vide qui passe. Ça nous coûte 0,50 CUC pour nous tous (on est 6) et en fait, le cocher ne regarde même pas combien on lui donne. L'aller en bicitaxi a coûté 5 CUC pour Georges, moi et la valise. J'ai l'impression en y repensant que le chauffeur du bicitaxi, quand on négociait avant la course, parlait peut-être de 5 pesos cubains (environ 0,25 $ CAN) plutôt que de 5 CUC (environ 6,30 $ CAN) - en fait, je pense qu'on avait dit 6, lorsqu'il était question de me ramener à la résidence. J'espère qu'il n'a pas perdu le billet que je lui ai donné et vu son état avancé d'ébriété, il a bien dû se demander le lendemain matin comment il s'était retrouvé avec tout cet argent...

Je rentre à ma chambre à 1h du matin, mais les autres ne sont même pas encore assez fatigués, ils s'arrêtent pour manger un morceau au Rapido, juste à côté de la résidence. Quelle énergie! Moi je n'ai que la force de prendre une douche, et au dodo...
(suite du récit)

27 avril (4) - Soirée en ville

Ça y est, nous sommes arrivés à la polyclinique où je dois livrer la valise de fournitures médicales. Le chauffeur de bicitaxi nous attend dehors. Georges explique au médecin de garde, une femme, que nous avons cette valise à donner. Elle dit qu'elle ne peut pas prendre la responsabilité, qu'elle doit contacter la directrice. Elle nous fait attendre un bout de temps, revient, repart, on ne sait pas combien de temps on va devoir attendre là. Bien sûr, elle a du travail, il y a des patients. Et notre chauffeur qui vient voir si on ne s'est pas enfuis sans le payer. Une secrétaire finit par arriver et dit au médecin de garde que la directrice est en train de faire un accouchement. Georges réexplique ce qu'on vient faire. Heureusement, on est tombés sur une secrétaire qui a de l'initiative. Elle nous demande de la suivre dans un bureau, nous fait ouvrir la valise, pose des questions sur les objets qu'elle contient, je décris du mieux que je peux, Georges traduit. Ouf, elle finit par accepter la valise, elle signe la feuille que je dois rapporter à Not Just Tourists et voilà, mission accomplie, enfin!!!
Bien sûr, pendant le trajet, j'ai décidé qu'il n'était pas question que je rentre à la résidence avec ce chauffeur saoul, alors nous nous faisons plutôt déposer tous les deux au Parque Leoncio Vidal, la place principale de Santa Clara, pour nous rendre compte que la policlinique n'était qu'à 3 ou 4 pâtés de maison de là. Nous payons le prix convenu au départ, bien trop élevé pour le service qu'on a eu, mais je m'en fous, je suis tellement contente d'être débarrassée de la valise et du chauffeur. C'est le premier soir où je sors en ville, Georges jette un coup d'oeil au bar où lui et les autres vont tous les soirs, La Marquesina. Personne d'autre n'est arrivé, mais le serveur reconnaît Georges, bien sûr, et demande combien de places il doit nous garder. De vrais habitués... Les autres arrivent bientôt, et me voilà assise dans ce bar, dos aux musiciens, je me tords le cou pour les voir.
C'est Lisa-Marie qui m'a fourni la photo des musiciens, Los Gimez. Je suis fatiguée, je n'ai pas envie de boire - je bois rarement et avec ma fatigue, je serais ivre tout de suite. Comme je ne sais pas si je vais devoir rentrer à pied, peut-être seule, je préfère garder un minimum de présence d'esprit.
Je danse un peu, mais j'ai surtout hâte de partir. Je me rends compte que mes compagnons, si sages le jour, sont en fait une bande d'ivrognes. Non, je blague, mais je suis quand même surprise du nombre de verres qu'ils peuvent boire. Je serais ivre morte après ça, moi. (suite du récit)

27 avril (3) - Une expédition inoubliable

Je dois régler la question de ma valise de fournitures médicales ce soir, puisque notre séjour à Santa Clara tire à sa fin. J'en avais parlé à Eva (notre accompagnatrice de l'ICAP) au début du voyage, mais elle m'avait répondu qu'on n'a pas le droit de donner directement des choses aux cliniques et hôpitaux, qu'il faut que ça passe par des bureaux du gouvernement pour tout vérifier, etc. Elle a dit que puisque j'étais prise avec cette valise, on pourrait peut-être organiser une remise officielle à la polyclinique par l'ICAP. Puisque ça avait l'air bien compliqué, je n'en ai plus reparlé à Eva jusqu'à aujourd'hui, en me disant que je trouverais bien un moment pour aller porter la valise moi-même, afin d'éviter toute cette bureaucratie. Not Just Tourists a justement été mis en place pour essayer d'apporter des fournitures directement aux cliniques. Mais comme je commençais à désespérer de trouver un moyen pour aller faire ma livraison seule, j'en ai reparlé à Eva aujourd'hui à notre retour à la résidence. Elle m'a dit à nouveau que ça n'était pas possible, etc. Et avec la fatigue de la journée, le manque de sommeil et tout ça, je me sentais incapable de m'imaginer prendre un taxi seule, moi qui ne suis jamais sortie de la résidence autrement que dans notre autobus. Me débrouiller avec mes bribes d'espagnol, dans le noir, pour aller dieu sait où dans une ville où je n'ai jamais réussi à m'orienter. C'est assez intéressant, d'ailleurs, ce manque d'orientation. On dirait que tant que je n'ai pas vu de plan de ville, je n'arrive pas à m'y retrouver. Je dois être trop intello, il me faut voir une représentation plutôt que la chose elle-même... C'est surtout que je n'ai jamais de vue d'ensemble, quand on se promène en bus, et je n'ai jamais vraiment observé les chemins qu'on prend. Mais en tout cas, je me sens démunie, on ne dirait pas que j'ai voyagé (il y a plus de 20 ans) pendant deux ans toute seule en Europe, avec des petits détours en Afrique du Nord et en Turquie... Il faut croire qu'en vieillissant, je suis devenue moins débrouillarde.

Avant de continuer cette histoire de valise, voici une petite parenthèse en photos. Il y a toutes sortes de moyens de transports, ici. Les calèches servent de bus et de taxi. Mais il y a aussi des bicitaxis...

Après une bonne douche fraîche, j'avais les idées plus claires. Je suis donc allée voir Georges, qui est venu tellement souvent à Cuba qu'il n'arrive pas à compter ses visites et qui parle espagnol. Je lui ai demandé de m'accompagner pour aller livrer la valise. Il a gentiment accepté et après le souper, nous nous sommes mis en quête d'un moyen de transport.

Nous trouvons un bicitaxi pas loin et Georges négocie un prix avec le chauffeur. Nous voulons aller porter la valise ensemble, puis Georges restera au centre-ville où les autres le rejoindront tout à l'heure pour leur sortie habituelle dans un bar, pendant que moi je rentrerai à la résidence avec le même bicitaxi. (Je suis bien trop fatiguée pour sortir - comme les soirs précédents, d'ailleurs.)

Une fois tout ça convenu, on installe la valise sous le banc et on part. Très vite, le chauffeur doit s'arrêter à cause d'un problème avec sa chaîne de vélo. Il descend pour réparer et c'est là que nous nous rendons compte qu'il est complètement saoul... Une fois la chaîne remise en place, on repart. Il y a des nids de poules pires qu'à Montréal, j'ai peur que la valise tombe, mais nous poursuivons notre route. Soudain, le chauffeur s'arrête devant une station-service. Je me dis qu'il a peut-être une course à faire, un bidon à remplir pour la voiture de quelqu'un, mais non, il reste là à attendre. Georges finit par lui demander pourquoi on est arrêtés là et le chauffeur répond que nous lui avons demandé d'aller là. Nous commençons à être pas mal inquiets de l'état mental de notre chauffeur, mais nous décidons de rester, ne sachant même pas où nous sommes au juste. Nous arrivons à une pente descendante, le bicitaxi prend de la vitesse. J'ai un instant la pensée que ça y est, je vais mourir à Cuba dans un bicitaxi en compagnie de Georges, mais je prends ça très zen (ce qui m'étonne de moi, en y repensant). Georges demande au chauffeur s'il a de bons freins et le chauffeur nous fait une démonstration. Eh oui, ça freine bien, ce qui peut surprendre, vu l'état général du véhicule. Je passe rapidement sur le reste du trajet (2e arrêt dans une station-service, plusieurs arrêts pour essayer d'obtenir une cigarette de passants, deux fois où on croise des policiers alors que notre chauffeur nous a dit qu'il n'a pas le droit de faire monter des étrangers et une fois où le chauffeur rebrousse chemin après que nous lui ayons répété une énième fois le nom de la polyclinique), et alors que je me demandais si le chauffeur nous avait complètement perdus, on arrive enfin à la clinique! Nous demandons au chauffeur de nous attendre (sans le payer, pour être sûrs qu'il reste). La suite dans le prochain message... (suite du récit)

27 avril (2) - Casa de la Ciudad

Nous voilà donc à la Casa de la Ciudad pour un petit concert. Je suis épuisée, j’aurais préféré rentrer relaxer, mais je n'ai pas eu le choix, j'ai dû suivre le groupe... avec ma tenue de travail affreuse et toute cette saleté. Je n'ai pas envie de regarder ou d'écouter quoi que ce soit, alors je reste dans une cour intérieure et je m'installe à une table pour essayer de décompresser un peu, j'écris dans mon journal de voyage.
J'entends le concert de toute façon, puisqu'il a lieu dans une des pièces qui donnent sur la cour. (Merci à Luce pour ses photos.) La virtuosité des jeunes artistes est impressionnante.
Le concert n'est pas très long, mais on visite ensuite une exposition de tableaux. Ou plutôt les autres visitent, moi je traîne derrière, j'ai juste hâte qu'on parte. Lorsqu'on sort enfin, c'est le déluge. Enfin une occasion de se laver... :-) Mais je préfère attendre à la résidence. (suite du récit)

27 avril (1) - Rassemblement à l'école

Ce matin, on part dès 7h pour l'école, pour manger le petit déjeuner avec les élèves. Après, c'est le rassemblement quotidien des élèves dans la cour, pour le salut au drapeau et une brève allocution par des élèves. On nous a promis des surprises. On fait jouer «Imagine», de John Lennon, puis un élève arrive sur l'estrade avec un petit drapeau du Québec que quelqu'un de notre groupe avait donné au début de la semaine. Nous sommes au premier rang des élèves, en face de l'estrade, et Pierre et moi tenons le grand drapeau québécois que nous avons apporté.
Et voilà «L'internationale» (d'autres versions ici) qui commence. Pierre et moi courons vers l'estrade avec notre grand drapeau. Ça fait drôle d'être là face à environ 1700 élèves - un moment émouvant.

On nous fait balayer un autre édifice plein de plâtre et je renonce assez vite, avec mon asthme je préfère me tenir loin de cette poussière. Avec 3 ou 4 de mes compagnes, on chante à tue-tête des chansons comme «Saskatchewan» des Trois Accords. On a aussi une longue conversation avec une des profs de l'école, qui nous explique qu'à Cuba, quels que soient les moyens financiers de sa famille, quelle que soit la couleur de sa peau, un enfant pourra faire des études. Elle nous parle des tarifs d'électricité qui ont augmenté récemment pour inciter les gens à remplacer leurs vieux appareils électroménagers par des nouveaux qui consomment moins. L'État fait des prêts à faible intérêt pour que les gens puissent acheter des cuisinières et frigos neufs. L'électricité est toujours un problème à Cuba, mais on est en train de construire de nouvelles centrales. Il y a déjà moins de pannes que par le passé.
Aujourd'hui, nous mangeons le repas de midi à l'école. Ici, les élèves sont internes, mais dans beaucoup d'autres écoles (notamment au primaire), les jeunes mangent gratuitement sur place le matin et à midi. Après le repas, toujours à l'école, une conférence sur l'économie de Cuba. J'ai du mal à écouter attentivement, je digère mon dîner et je me sens sale, avec la poussière de plâtre, la sueur et tout ça. Mais voilà qu'on nous annonce qu'on ira ensuite directement au centre-ville, sans passer par notre résidence. J'aurais aimé passer là-bas juste le temps de se laver un peu et de se changer. J'aurais aussi voulu en profiter pour prendre la valise de Not Just Tourists, qui traîne à côté de mon lit. Il n'y a eu jusqu'ici aucun moment libre pour l'apporter à la polyclinique à laquelle on m'a demandé de la remettre. J'avais pensé l'emporter dans l'autobus cet après-midi et une fois au centre-ville, trouver une façon d'aller la livrer, peut-être en taxi.
(suite du récit)